Anne-Sophie Turion & Eric Minh Cuong Castaing

Entre performance, fiction et documentaire, HIKU ouvre l’espace d’une rencontre a priori impossible avec des hikikomori, ces reclus volontaires, isolés de toute vie sociale. Sur scène, en téléprésence, trois d’entre eux, en phase de resociabilisation, prennent la parole, interagissent avec les spectateurs, déplacent des morceaux de décor ou déploient des banderoles. Chacun pilote son robot depuis sa chambre, à des milliers de kilomètres de là, tandis que Yuika, leur interprète et partenaire de jeu, les accompagne au plateau en chair et en os. S’entremêlant aux actions scéniques, des séquences cinématographiques ouvrent une fenêtre sur leur intimité ici revisitée ou même fantasmée, naviguant entre souvenirs de leurs années de retrait et sensations présentes. Hantée par le motif de la hikikomori-démo, happening par lequel ces reclus revendiquent leur droit à la démission sociale, la pièce condamne moins cette fuite hors du réel qu’elle ne cherche à la saisir comme un effacement dissident, un moyen de résister aux injonctions contemporaines.

Anne-Sophie Turion est performeuse, artiste visuelle et autrice. Elle décline son appétence pour le vivant et le visuel sous forme d’interventions in-situ, de performances, de spectacles. Dans la boîte noire ou au grand air, elle s’attaque au réel pour l’orchestrer en fiction. S’emparant avec humour des artifices du théâtre ou du cinéma, elle fabrique des récits aux rouages apparents : images spectaculaires et scenarios se construisent à vue, laissant la vraie vie s’incruster de toutes parts. Depuis 2018, elle est représentée par actoral, Bureau d’accompagnement.

Eric Minh Cuong Castaing est chorégraphe et a fondé la compagnie Shonen (adolescent, en japonais) en 2007. Artiste associé au Ballet National de Marseille de 2016 à 2019 puis à La Comédie de Valence (2020-2024), il a signé une quinzaine de créations – spectacle, installations, performances, films - mettant en relation danse et nouvelles technologies (robots humanoïdes, drones, réalité augmentée...). Ses projets, qu’il qualifie d’in socius, prennent forme au sein de réalités sociétales en partenariat avec des institutions en dehors monde de l’art (laboratoires de recherches, écoles, hôpitaux, ONG...). Eric M.C.C. explore ainsi les modes relationnels des corps à l’ère du numérique, interrogeant les dualités art/société, réel/ fiction, organique/ artificiel. Diplômé des Gobelins L’école de l’image (Paris), il a d’abord été, pendant plusieurs années, graphiste dans le cinéma d’animation. Le travail de sa compagnie est aujourd’hui diffusé en France et en Europe.